L’unité recherche et études du service de la recherche et de la documentation (SRD) de l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) organise chaque année un séminaire de recherche pluridisciplinaire. Celui-ci se déroule autour d’un thème, au rythme de 5 séances, au cours du premier semestre de l’année en cours. Ce séminaire est, au même titre que les autres événements de l’École, ouvert à tous les professionnels de la Protection judiciaire de la jeunesse, du secteur de l’enfance et de la jeunesse en difficulté.
Le séminaire de recherche pluridisciplinaire de l'ENPJJ, à suivre en présentiel ou à distance, est en 2025 consacré à la justice des mineurs en Outre-mer.
La dénomination « Outre-mer » caractérise les territoires rattachés à la France hexagonale. Ils sont marqués par une hétérogénéité au niveau socio-démographique (Temporal, 2017), sociale, culturel, linguistique, politique et statutaire (Lemercier et al., 2014). Territoires satellites et dépendants économiquement de la France, ils sont aussi caractérisés par l’hétérogénéité des moyens qui leur sont alloués (Lemercier et al., 2014). Marqués par une population jeune et des taux de chômage et de précarité élevés (Paillole, 2019 ; Wolff, 2023), ces territoires sont touchés par la délinquance des jeunes et des violences intrafamiliales plus importantes qu’en métropole (Gonzalez-Demichel, 2022, 38 ; Dunoyer Philippe, Lebon Karine, Serva Olivier, 2023, 24).
Face aux singularités et aux problématiques que les professionnels de la justice et la jeunesse rencontrent, le Ministre et Garde des sceaux, Éric Dupond Moretti présentait sa feuille de route en mars 2024, pour une justice plus rapide et accessible en Outre-mer. Cette feuille de route suivait trois axes, à savoir : l’amélioration des conditions de travail au quotidien pour les agents, un meilleur accès à la justice pour les justiciables et la prise en compte des spécificités ultramarines dans l’organisation de la justice au quotidien. Au vu des orientations développées par le Ministre pour une justice plus efficace dans les territoires ultramarins, nous pouvons nous interroger sur les différents modes de régulation de la jeunesse ciblée comme en danger et/ou délinquante.
Les travaux de recherche sur la protection de l’enfance et l’enfance « irrégulière » et délinquante connaissent une littérature importante en France. En ce sens, de nombreux travaux sont publiés sur le fonctionnement du système de justice pénale des mineurs dont ses établissements dédiés à l’éducation, la réhabilitation ou l’insertion des jeunes délinquants (Milburn & Lenzi, 2015, Vuattoux, 2021). D’autres recherches s’intéressent aux représentations de cette jeunesse en difficulté, à leur parcours ou encore à leur perception vis-à-vis du système de justice pénale (Chéronnet, 2022, Vigour et al., 2022).
Concernant l’Outre-mer, les recherches sont plus particulièrement développées sur les rapports qu’elle entretient avec la France métropolitaine (Lemercier et al., 2014 ; Célestine, Roger, 2014) dans la manière dont elle gère les différentes crises sanitaires, économiques et sociales (Odin, 2021 ; Hoarau, 2021). S’agissant des recherches conduites sur la spécificité des publics de la jeunesse délinquante et en danger ainsi que leurs prises en charge, elles restent « limitées » (Palmiste, 2018 ; Scheider, 2018).
Historiquement et comparativement à la France, le traitement de l’enfance en danger et délinquante est marqué par l’absence ou des retards dans la transposition des lois métropolitaines et le développement d’établissements dédiés à l’accueil et la prise en charge de ces publics (Bourquin, 2005, Palmiste 2022). Régis par les normes constitutionnelles, le droit applicable dans les territoires d’Outre-mer et les institutions de la justice traversent une crise et atteignent leurs limites « telles que les exigences d’accès, de recours » (Pinsard, 2018, 49-53). Dans ces inadéquations et pour pallier à ces difficultés, des adaptations culturelles, langagières (Gagné, Guyon, 2020 ; Gagné et al., 2018) et structurelles se remarquent dans l’administration et la prise en charge de ces publics par les services de la protection judiciaire de la jeunesse et la protection de l’enfance (Lafargue, 2001, Gagné, 2023). Certains professionnels appliquent stricto sensu les normes de l’hexagone (Gonzalez et Saint Pol, 2014), d’autres s’en accommodent en imbriquant les règles coutumières à la justice d’Etat (Gagné, 2023 ; Cornut et Deumier, 2016 ; Demmer, 2013).
Aux regard de la situation des territoires et des constats dressés relatifs à la justice et à la jeunesse délinquante et/ou en danger, nous ne pouvons faire l’économie de la « matrice éminemment coloniale » (Trépied, 2012, 2) de l’« Outre-mer » et de ses rapports avec la France hexagonale. L’objectif de ce séminaire est donc multiple, il permettra de faire la lumière sur les travaux de recherche développés dans le rapport qu’entretiennent les institutions de la protection de la jeunesse des territoires ultramarins avec la France hexagonale. Nous tenterons également de répondre aux questions liées à la singularité de ces territoires et à ses effets au niveau des structurations et de l’organisation des services et à leurs accès Ce séminaire permettra enfin d’observer et d’appréhender les tensions, les continuités et les dichotomies dans l’application des lois et les adaptations effectuées par les professionnels pour répondre aux problématiques liées à la jeunesse délinquante et en danger.
Les séances pourront être suivies à distance et se tiendront au site central de l’ENPJJ (16, rue du Curoir, 59100, Roubaix). Les personnes qui souhaiteront suivre les séances à distance recevront un lien de connexion quelques jours avant chacune de celles-ci. Dans les deux cas, les participants devront s’inscrire auprès du secrétariat du Service de la recherche et de la documentation via un questionnaire sphinx prochainement en ligne.
Calendrier :
- Séance 1 : mardi 25 février 2025 de 14h00 à 16h00
- Séance 2 : mercredi 26 Mars 2025 de 14h00 à 16h00
- Séance 3 : mardi 29 Avril 2025 de 18h00-20h00
- Séance 4 : mardi 20 Mai 2025 de 10h00-12h00
- Séance 5 : mardi 1er juillet 2025 de 10h00 à 12h00